vendredi 6 novembre 2015

Technologie et environnement

« Nous sommes les héritiers de deux siècles d’énormes vagues de changement : la machine à vapeur, le chemin de fer, le télégraphe, l’électricité, l’automobile, l’avion, les industries chimiques, la médecine moderne, l’informatique, et, plus récemment, la révolution digitale, la robotique, les biotechnologies et les nanotechnologies. » (102) Voilà comment le pape François résume ces extraordinaires poussées de la technoscience.   Ces progrès sont enthousiasmants et ouvrent à de nouvelles possibilités. Depuis ses débuts, l’humanité modifie la nature à des fins utiles. « Nous ne pouvons pas ne pas valoriser ni apprécier le progrès technique, surtout dans la médecine, l’ingénierie et les communications. Et comment ne pas reconnaître tous les efforts de beaucoup de scientifiques et de techniciens qui ont apporté des alternatives pour un développement durable? »
 
Mais le pape note aussi que « nous ne pouvons pas ignorer que l’énergie nucléaire, la biotechnologie, l’informatique, la connaissance de notre propre ADN et d’autres capacités que nous avons acquises, nous donnent un terrible pouvoir. » (104) Et rien ne garantit qu’on s’en servira toujours bien. Pensons aux bombes atomiques lancées en plein XXe siècle, au déploiement technologique étalé par le nazisme, par le communisme et par d’autres régimes totalitaires au service de l’extermination de millions de personnes.
 
Aujourd’hui, la logique qui se développe est celle de maximiser les profits. « Ce qui intéresse c’est d’extraire tout ce qui est possible des choses par l’imposition de la main de l’être humain, qui tend à ignorer ou à oublier la réalité même de ce qu’il a devant lui. Voilà pourquoi l’être humain et les choses ont cessé de se tendre amicalement la main pour entrer en opposition. De là, on en vient facilement à l’idée d’une croissance infinie ou illimitée, qui a enthousiasmé beaucoup d’économistes, de financiers et de technologues. Cela suppose le mensonge de la disponibilité infinie des biens de la planète, qui conduit à la “presser” jusqu’aux limites et même au-delà des limites. » (106)
 
Face à ce système mondial, la culture écologique exige « un regard différent, une pensée, une politique, un programme éducatif, un style de vie et une spiritualité qui constitueraient une résistance face à l’avancée du paradigme technocratique. » Il est possible d’élargir notre regard, de limiter la technologie, de l’orienter et la mettre au service d’un progrès « plus sain, plus humain, plus social, plus intégral. » Car notre monde manque aujourd’hui d’une éthique solide, d’une culture et d’une spiritualité qui le limitent réellement et le contiennent dans une abnégation lucide. Il a un urgent besoin d’un « supplément d’âme ».
 
(17e texte d'une série sur l'encyclique du pape François)
† Roger Ébacher
Évêque émérite de Gatineau